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12/11/2014

Jean-Luc Sarré, La part des anges

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On n'a pas le cœur à défaire

pour les vider de nos vacances

les valises qui encombrent l'entrée.

Les fantômes sentent la naphtaline

et le plaisir n'est plus le même

de convier le jour à noyer

un salon qui nous paraissait

vaste il y a seulement deux mois.

On ôte un suaire, on se vautre,

ni heureux ni triste, égaré

parmi les images de l'été

— elles et la nuit et la musique.

 

 

Mêler sa voix à celle des autres

en laiqqanr croire qu'on sait lire

ces indéchiffrables portées

ne fait pas longtemps illusion.

« Cheval sanglé jusqu'aux faugères

tu seras mon solfège » dit l'enfant

en pressant les flancs d'un dimanche

qui rentre rênes longues, encolure basse.

 

Jean-Luc Sarré, La part des anges, La Dogana,

2007, p. 91, 36.

19/04/2014

Jean-Luc Sarré, Bribes (Pages de carnet)

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Faubourg. La résonance de ce terme est pour moi essentiellement parisienne ou du moins l'était encore jusqu'aujourd'hui. Un faubourg, contrairement au centre de la ville, ne devrait pas changer, tout au plus lentement évoluer, et par contrainte plus que par choix, l'époque laissant derrière elle son sillage de bouleversements (je n'ai pas reconnu, dans le dix-neuvième arrondissement, des rues qui m'étaient autrefois familières.) À Marseille, c'est de périphérie qu'il faudrait parler ; ça n'invite pas vraiment à musarder.

 

Je relis et renonce à recopier telle note grevée de maladresse ; pourtant je m'en souviens, rien ne semblait m'importer plus, quand je l'ai crayonnée, que ce qu'elle tentait d'appréhender.

 

 

Le cri de l'effraie légitime l'insomnie.

 

L'impression l'est souvent insupportable d'habiter depuis longtemps une interminable parenthèse. Quand ai-je bien pu l'ouvrir ? Il pourrait m'appartenir de la fermer mais je doute avoir un jour ce courage ou cette lâcheté.

 

Atelier cuisine, atelier macramé, atelier poterie, atelier poésie.

 

Jean-Luc Sarré, Bribes (Pages de carnet), dans La revue de belles-lettres, 2013, 2, p. 83, 84, 85, 86, 88.

 

 

28/11/2013

Jean-Luc Sarré, La Part des anges

                    Une semaine avec les éditions La Dogana

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Citadin, il aime les jardins

mais pour les rejoindre il lui faut

attendre les vacances d'été.

Un après-midi de septembre

il arrive que l'orage survienne

et le trouve, assis sur une fesse,

étrangement irrésolu.

Une tonnelle d'abeilles au travail

l'a détourné de son chemin

pis abandonné sur une souche.

Les gouttes sur les feuilles l'allègent

d'un fardeau qu'il ignorait porter.

 

                          *

 

Oublié le bâton de réglisse

qui jaunissait les commissures ;

une cigarette succédant

à l'indispensable cigarette

ils ne vivent plus que pour fumer.

Mieux vaut en ville être au moins deux

pour oser croiser les regards

réprobateurs ou amusés

— ceux-là sont les plus blessants —

mais parvenus dans les faubourgs,

certains aiment la garder au bec

en évoquant les larmes aux yeux

l'ambiance — Smoke gets in your eyes —

d'une innocente surprise-partie.

 

Jean-Luc Sarré, La Part des anges, La Dogana, 2007, p. 25, 69.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16/01/2012

Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, Carnets 1990-2005

jean-luc sarré,comme si rien ne pressait,carnets,journal

Le luxe, c'est-à-dire les arbres et le silence mêlés.


J'ouvre la fenêtre pour aérer la chambre et c'est le bruit qui entre.

 

Il fait beau. (Complète qui voudra.)

 

(N') être chez soi nulle part.

 

Plaisir de se taire. Aujourd'hui, je n'ai pas dû prononcer plus de trente mots.

 

Pourquoi ces notes alors que le monde, la plupart du temps, me semble non pas tel que je le dis mais tel que je le tais.

 

Je suis amoureux du silence. S'il m'arrive de le rompre en parlant, c'est qu'il ne me donne pas toujours ce que j'attends.

 

Ils furent nombreux à vouloir m'apprendre à vivre mais j'étais un vrai cancre.

 

« Vivre c'est prier, aimer, vouloir » écrit Amiel dans son journal. Je savais bien que je ne vivais pas.

 

Vas-y, monde, parle, je t'écoute ! et le bruit d'un moteur me parvint.

 

Je n'ose jamais citer Joubert, trop aérien pour moi, trop pur. Je crains de l'abîmer en le saisissant ainsi, au vol, si tant est que je le puisse.

 

Pourquoi me suis-je un jour mêlé d'écrire alors que c'est aux paysages, à leurs couleurs, que je fais appel lorsque je perds pied ?

 

Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, Carnets 1990-2005, Chêne-Bourg, La Dogana, 2010, p. 15, 20, 22, 25, 33, 35, 39, 46, 59, 61, 73, 79.